• «Après analyse et réflexion, j’ai pris aujourd’hui la décision de signer la nouvelle loi sur le Tribunal Constitutionnel.» Légalement, le Président de la Pologne dispose de 21 jours pour donner ou non son feu vert à une nouvelle loi. Ce délai aurait peut-être permis à la Commission de Venise, sollicitée par le Ministre des Affaires étrangères M.Waszczykowski jeudi dernier, de faire son travail et de donner son avis dans les règles de l’art. Mais M.Duda n’a pas jugé bon d’attendre: quatre jours lui ont suffi pour se faire son idée et signer un texte que de nombreux experts contestent avec vigueur.

    Juriste, docteur en droit, issu de la prestigieuse Université de Cracovie (dont il est encore employé en congé non payé), le Président ne peut pourtant pas ignorer les nombreux vices de droit que comporte la nouvelle loi. Sans parler des conditions dans lesquelles elle a été élaborée, amendée et signée. Pendant quatre jours et trois nuits les parlementaires de la majorité (PIS) à la Chambre basse et au Sénat ont systématiquement empêché les députés des autres partis de s’exprimer, refusant également toute consultation auprès des instances compétentes en Pologne et n’écoutant pas les avertissements venus de l’Europe.

    Cette décision aura évidemment des conséquences graves. Loin d’apaiser la situation, elle contribue à ajouter de l’huile sur le feu. Les défenseurs de la démocratie (KOD) ont déjà exprimé leur indignation. La vice-maréchal du Sénat, Małgorzata Kidawa-Błońska (PO) dénonce une atteinte aux libertés citoyennes. Solidaires entre eux, tous les milieux juridiques, juges et universitaires confondus, déplorent une grave entorse à la Constitution dont M.Duda est sensé être le gardien. D'autres réactions sont bien sûr à prévoir et il ne serait pas étonnant que les Polonais sortent à nouveau dans la rue.

    On attend maintenant les réactions des institutions européennes. Elles risquent de prendre très mal la décision de M.Duda qui ressemble à s’y méprendre à une déclaration d’hostilité et affiche son mépris pour les règles démocratiques.

     

    Partager via Gmail Yahoo!

    votre commentaire
  •  

    Il y a quelques jours, ils étaient inquiets. Aujourd’hui, ils vont plus loin. Les partenaires européens de la Pologne lancent des avertissements sans équivoque au nouveau gouvernement polonais. Ils estiment que sa politique ne respecte pas les principes de base de l’Union Européenne, notamment dans le domaine de la séparation des pouvoirs.

    Bruxelles tance Varsovie

    Bruxelles vient de demander officiellement aux ministres des Affaires étrangères et de la Justice de geler la nouvelle loi sur le Tribunal Constitutionnel tant que tous les doutes concernant son influence sur l’indépendance et le fonctionnement du Tribunal ne seront pas levés. Le vice-président de la Commission Européenne, M.Frans Timmermans rappelle aux deux ministres les dernières décisions du Tribunal Constitutionnel polonais et réclame leur application.

     

    Bruxelles tance Varsovie

    Le ministre de la Justice a déjà opposé une fin de non recevoir à cette demande. M. Zygmunt Ziobro estime que le vice-président de la Commission européenne a été induit en erreur par l’opposition polonaise. M.Ziobro a souligné que la Pologne en tant qu’Etat souverain décidait elle-même, dans le cadre des procédures démocratiques, de la forme de ses organes institutionnels et protesté contre une ingérence extérieure au nom de la «fierté nationale». Ce discours aux accents nationalistes - que certains en Pologne n’hésitent pas à comparer au style de la Corée du Nord - n’augure rien de bon pour l’avenir de l’entente entre la Pologne et l’Europe.

    Bruxelles tance VarsovieLe chef de la diplomatie luxembourgeoise (le Luxembourg préside l’Union européenne cette année) va plus loin dans son analyse de la situation: «L’évolution (de la situation) à Varsovie rappelle hélas la direction prise par les régimes autoritaires». M. Jean Asselborn n’y va par quatre chemin: « Si le gouvernement PIS se plaint d’une ingérence extérieure, il risque de prendre la même direction que les régimes de l’Union Soviétique. Ceux qui affirment que la critique de la part des partenaires européens est inadéquate ne comprennent pas l’Europe (...) qui a le devoir d’assurer le respect de ses valeurs fondamentales." M.Asselborn n’exclue plus l’idée des sanctions à venir.

    Là aussi, la réponse du gouvernement polonais ne s’est pas fait attendre. Son ministre des affaires étrangères,M.Witold Waszczykowski, estime que les paroles de M.Asselborn ne respectent pas le principe de souveraineté des Etats de l’Union Européenne. Un point, c’est tout.

    Bruxelles tance Varsovie

    On l’aura compris, les ministres polonais n’ont nulle intention de discuter avec qui que ce soit. Ils préfèrent ne pas entrer en matière.

    Comment expliquer la surdité du nouveau gouvernement polonais à tout appel à la raison venant d’ailleurs (sans parler de l’intérieur) ? Deux hypothèses sont possibles, soit il n’a pas compris le fonctionnement de l’Union Européenne et l’étendue des compétences du Conseil Européen (on peine à l’imaginer), soit il l’a parfaitement compris mais ne s’en préoccupe pas du tout, persuadé de son impunité. Si c’est la deuxième hypothèse qui est juste, la grande arrogance du PIS pourrait coûter cher aux Polonais.

    Partager via Gmail Yahoo!

    votre commentaire
  • «Je ne veux pas défendre le PO (le parti de M.Komorowski qui a perdu les élections) mais ce que fait PIS dépasse l'imagination des scénaristes de «House of cards», selon la députée et porte parole du parti Nowoczesna. Mme Kamila Gasiuk Pihowicz précise encore : «On peut enterrer la démocratie à 2 mètres sous terre».

    Pire que «House of cards»

     

     PIS n'a pas commandé d'expertises, les députés n'avaient pas le droit de poser des questions. «La politique du PIS participe de la vengeance aveugle, les politiciens ne se préoccupent pas du bien de la Pologne».

     

    Pire que «House of cards»

    Il se trouve que l'une des réalisatrices de "House of cards" est Polonaise. Agnieszka Holland ne s'y est pas trompée non plus. Très présente dans les médias polonais ces derniers temps, elle dit craindre que le sang ne coule en Pologne. «Les politiciens du PIS ont transformé en ennemis ceux de leurs compatriotes qui ne pensent pas comme eux.»

     

    Pire que «House of cards»

     

    Les craintes des juristes sont plus concrètes. M.Wlodzimierz Cimoszewicz, ex ministre de la Justice et ex premier ministre: «Pour moi le seul moyen (de faire tomber la nouvelle loi, ndlr), un moyen sans précédent mais efficace, c'est la grève de toutes les institutions judiciaires. Si plusieurs milliers des juges se mettent en grève, ils montreront au monde la brutalité de l'attaque contre l'indépendance des juges. Aujourd'hui, c'est celle du Tribunal Constitutionnel mais demain ce sera celle de la Cour Suprême et après demain celle des tribunaux administratifs et civils.»

    Partager via Gmail Yahoo!

    1 commentaire
  • La commission législative du Parlement polonais est actuellement en train de débattre de la modification de la loi qui régit le fonctionnement du Tribunal Constitutionnel (TC). Le vote du Parlement est agendé pour ce soir. L’ambiance au sein de la commission est surchauffée. Les députés de l’opposition accusent les représentants du PIS de violer le règlement parlementaire. Notamment parce que la Commission nationale juridique n’a pas été consultée, ce qui est contraire à la loi en vigueur. Pendant le débat, PIS a déjà ajouté 19 amendements à son propre projet.

     

    L’amendement le plus contesté concerne la procédure disciplinaire: un juge du TC pourrait désormais en faire l’objet à la demande du Président ou du Ministre de la Justice. Autant dire qu’il serait éjectable selon leur bon vouloir. Selon l’opposition, en comparaison, la Biélorussie serait un Etat démocratique.

     

     C’est plutôt à l’Union soviétique que pensait ce matin le Ministre des Affaires étrangères du Luxembourg lorsqu’il a évoqué la situation polonaise dans une interview accordée à la radio.

    M.Jean Asselborn n’a pas caché son effroi et sa stupéfaction: «On a l’impression d’un retour à l’époque soviétique. (....) Cette attaque contre l’indépendance des institutions judiciaires et des médias, les méthodes utilisées, c’est une violation des principes de base de l’Union Européenne.» Le politicien luxembourgeois n’exclue pas qu’on en arrive à priver la Pologne du droit de vote au sein de l’Union.

    Partager via Gmail Yahoo!

    2 commentaires
  • Comment distinguer un défenseur de la démocratie d'un partisan du PIS?
    Ce n'est pas bien difficile.

    Le Défenseur est souriant . Il est poli. Il parle avec aisance et son vocabulaire est étendu. Il lit des livres, va au théâtre et aux concerts. Il a de l'humour. Il voyage et considère l'appartenance de la Pologne à l'Europe comme une bonne chose. S'il est souvent catholique, il est rarement pratiquant. Le Défenseur a une vie sociale très riche mais il ne réalise pas toujours qu'il n'est pas vraiment représentatif du Polonais «moyen».

    Le Partisan fait la tête, il a les sourcils froncés. Ses slogans sont pleins de haine et toujours au premier degré. Souvent, ils comportent des fautes d'orthographe. Lorsqu'il s'exprime dans un commentaire, il commence toujours par insulter la personne dont il ne partage pas l'avis. En général, il la traite de tous les noms d'oiseaux voire pire. Il crache volontiers sur le quotidien «Gazeta Wyborcza» et, surtout, sur son rédacteur en chef, Adam Michnik. Ce dernier est Juif et le Partisan n'aime pas ça. Il pense que la Pologne sans les Juifs se porterait beaucoup mieux. Comme ses sources d'information sont maigres, il ne sait pas qu'il n'y a plus que très peu de Juifs dans son pays. Le Partisan est catholique, la plupart du temps pratiquant. Il écoute Radio Marya, la radio catholique qui milite contre l'avortement, la fécondation in vitro, etc.

    Comment distinguer une manifestation des partisans d'une manifestation des défenseurs?

    Ce n'est pas compliqué non plus.

    Partisans et défenseursPartisans et défenseurs

    Il faut commencer par faire un tour dans les rues avoisinant le lieu du rendez-vous. Si l'on voit des cars vides dont les chauffeurs fument stoïquement cigarette sur cigarette, on a un premier indice: plusieurs manifestants viennent d'ailleurs et ont été convoqués et amenés par les organisateurs du PIS. C'est une pratique héritée de l'ère communiste et elle est encore efficace aujourd'hui.

    Ensuite, il faut observer les drapeaux brandis par les manifestants:s'ils sont tous (ou presque) blanc et rouge, on sait avec certitude qu'il s'agit d'une manifestation des Partisans. Et pour ceux qui lisent le polonais, la teneur des pancartes est assez éloquente, nombreuses étant celles qui attaquent nommément les personnalités dites de gauche. Pour les autres, c'est-à-dire ceux qui ne maîtrisent pas la langue polonaise, il suffit de repérer le mot «Smolensk» (lieu de la catastrophe dans laquelle a péri Lech Kaczynski). Dès qu'on le voit, on n'a plus de doutes.

     

    Si vous souhaitez être tenus au courant de l'évolution de la situation en Pologne, pensez à vous inscrire à la Newsletter 

     

     

     

    Partager via Gmail Yahoo!

    votre commentaire