• A la vitesse grand V, le gouvernement polonais continue à pratiquer ce qu'il appelle le «bon changement». En ce moment, il s'agit d'éliminer de la vie publique toutes les personnes qui à un moment donné ont eu un rapport quelconque avec les communistes et assimilés. Les premiers visés sont les juges et les journalistes des médias publics.

    Prenons le cas des journalistes car c'est eux qui sont actuellement sur la sellette (même si les juges ne perdent rien pour attendre). Beaucoup d'entre eux - calendrier oblige - ont exercé leur métier sous le régime communiste. D'autres, plus jeunes, à l'époque du gouvernement libéral PO, souvent accusé par le PIS d'être un héritier spirituel des communistes. C'est dire que toute personne travaillant à la radio, à la télévision ou encore à l'Agence de presse polonaise (PAP) au moment de l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement est d'emblée considérée comme suspecte. 

     Médias publics: le grand nettoyage à fond de train

    Karolina Lewicka, l'une des meilleures journalistes de la TVP qu'on ne verra plus à l'antenne

     Médias publics: le grand nettoyage à fond de trainLes cas les plus évidents, c'est-à-dire les journalistes les plus en vue ont déjà été éliminés. Les rédacteurs et rédactrices en chef ont démissionné d'eux-mêmes dès l'entrée en vigueur de la nouvelle loi audiovisuelle, privant ainsi le Ministre du Trésor (responsable des nouvelles nominations) de la satisfaction de les mettre dehors. Les autres ont attendu la nomination du nouveau directeur de la TVP, Jacek Kurski, qui a aussitôt licencié les chefs de départements ou de rubriques et les a remplacés par ses propres amis. A ces derniers revient maintenant la charge d'éliminer les journalistes de base, ce que d'ailleurs ils ont déjà commencé à faire.

    Le même scénario se déroule simultanément à la Radio polonaise où le premier à se faire licencier a été le chef du premier programme (celui qui, depuis le début de cette année, faisait diffuser aux heures pleines l'Hymne polonais et l'Hymne européen en alternance).

    C'est donc une affaire qui marche comme sur des roulettes et ce n'est pas étonnant car toute cette stratégie n'est pas improvisée mais a été élaborée dans les coulisses des «débats» parlementaires concernant le changement de la loi Radio-TV. La prochaine étape ce sera la suppression des émissions les plus gênantes (du point de vue du PIS) ou la transformation des celles qui vont survivre dans le sens qu'on peut aisément imaginer et qu'il n'est donc point nécessaire d'expliquer ici.

     

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  •  Montée en force des sentiments anti-allemands en PologneTout observateur attentif de la vie politique polonaise sous le gouvernement PIS ne peut qu'être frappé par un phénomène qui prend de l'ampleur: le retour des (re)sentiments anti-allemands.Il ne se passe pas un jour sans qu'un ministre, un député et même un évêque n'attaque les politiciens allemands en les accusant de tous les maux européens et, surtout, de l'hostilité à l'égard de la Pologne. Et ce qui caractérise toutes ces attaques, c'est l'outrance des propos et le ton belliqueux.

    Nombreux pourtant sont les personnalités politiques qui mettent en gardent publiquement le gouvernement polonais contre le démantelement de la démocratie et le non respect des valeurs européennes fondamentales. Pour n'en citer que quelques-uns, il y a Jean Asselborn, le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Viviane Reding, la commissaire européenne chargée de la Justice, l'eurodéputé belge Guy Verhofstadt.

    Mais seules les critiques allemandes suscitent des réactions des membres du PIS. Réactions souvent épidermiques qui dénotent une susceptibilité exacerbée face à toute objection en provenance de l'Allemagne. Il est vrai que les journaux allemands s'intéressent bien plus à la Pologne que le reste de la presse européenne. Cela s'explique. D'une part, l'Allemagne a une a une longue frontière commune avec la Pologne, d'autre part, 670 000 Polonais y travaillent actuellement (c'est la deuxième communauté étrangère, après les Turcs). L'Allemagne peut donc difficilement ignorer l'évolution politique de sa voisine.

    Montée en force des sentiments anti-allemands en PologneActuellement, la cible préférée des politiciens polonais est Martin Schulz qui est certes citoyen allemand mais s›exprime publiquement en tant que président du Parlement Européen, un statut qui semble échapper au Ministre des Affaires étrangères polonaises, Witold Waszczykowski (celui qui n'aime ni les cyclistes ni les végétariens). Ce ministre vient d'ailleurs de convoquer l'ambassadeur allemand à Varsovie pour l'informer du fait que «l'état de la démocratie polonaise n'est pas aussi mauvais qu'il ne le paraît loin de la Pologne» (sic) et pour protester contre les «déclarations anti-polonaises des politiciens allemands».

    PIS a encore d'autres bêtes noires. Celle du Ministre de la Justice s'appelle Günther Oettinger, le commissaire européen à l'Economie numérique. Dans une lettre ouverte, transmise à l'Agence de presse polonaise (PAP), Zbigniew Ziobro déclare:
    «Il y a une semaine, dans une interview à la «Frankfurter Allgemeinen Sonntagszeitung», vous avez critiqué l'activité du parlement et du gouvernement polonais démocratiquement élus, activité qui doit ramener l'objectivité et l'indépendance des médias publics en Pologne. Vous avez exigé la mise sous contrôle de la Pologne. Ce genre de paroles, proférées par un politicien allemand, réveillent les pires souvenirs auprès des Polonais. Les miens aussi. Je suis le petit-fils d'un officier polonais de l'Armée nationale qui s'est battu pendant la deuxième guerre mondiale contre le «contrôle allemand».»

    Quant à la parlementaire Krystyna Pawlowicz, elle a choisi un tir groupé et adresse sur Twitter ses imprécations au peuple allemand tout entier:

    Montée en force des sentiments anti-allemands en Pologne«Allemands! Avant de «punir» la Pologne avec vos sanctions parce que nous avons chassé lors des élections les représentants de VOS intérêts dans NOTRE Patrie, payez d'abord votre facture historique à la Pologne. Votre Tusk n'a pas éteint l'esprit polonais. Vos attaques ne servent à rien, elles nous unissent.

    BOYCOTTONS partout où c'est possibles les marchandises et les banques allemandes.Contre leurs «sanctions», prononçons nos sanctions économiques.» 

    Dans cette logique, les agressions de Cologne sont du pain béni pour le gouvernement polonais. Nombreux sont ceux qui les instrumentalisent éhontément. Leur message est clair: occupez-vous de vos affaires et ne mettez pas le nez dans les nôtres.

    Montée en force des sentiments anti-allemands en Pologne

    Plus grave encore, il se trouve que l'hostilité anti-allemande commence à faire des émules et à sortir de l'arène politique. Lors du match de volley Allemagne-Pologne de dimanche dernier, les supporters polonais ont déroulé une banderole où l’on pouvait lire, en anglais, « PROTECT YOUR WOMEN, NOT OUR DEMOCRACY ».

     

    Cet éveil des vieux démons ne devrait en aucun cas être sous-estimé. Il ne manquera pas à la longue de nuire sérieusement aux relations entre les deux pays qui, avant l'arrivée au pouvoir du parti de Jaroslaw Kaczynski, avaient enfin pris une bonne tournure et étaient même devenues tout à fait constructives et cordiales.

     

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  •  Plusieurs dizaines de milliers de Polonais sont sortis hier dans les rues des 20 villes polonaises pour défendre la liberté de la presse. Ils ne veulent pas des médias gouvernementaux et des purges à la radio et à la télévision.

    Malgré cette mobilisation exceptionnelle, les défenseurs de la démocratie ont peu de chances d'être entendus: dès la fin des manifestations, la cheffe de la Chancellerie de la Première Ministre n'a pas manqué de mettre les points sur les i: « Même un million de personnes dans les rues ne nous découragera pas.» 

    Selon Beata Kempa, ces manifestants ne sont que des mauvais perdants, ils ont perdu les dernières élections et ne veulent pas l'accepter. C'est aussi simple que ça. Quant aux parlementaires polonais qui «pleurent dans le giron des commissaires de l'Union Européenne», Mme Kempa se propose de les équiper elle-même en mouchoirs pour leur prochain déplacement.

    Et l'Europe?

    Pendant ce temps, l'Europe se tâte et envisage - peut-être, éventuellement, probablement, mais ce n'est pas sûr - des sanctions. Selon „Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung”, le chef de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker a discuté la semaine dernière avec les commissaires de l'Union et il a, semble-t-il, une vision «assez claire" des événements. Mais la décision, si décision il y a, ne tombera pas avant la réunion de la Commission annoncée pour le 13 janvier. Celle-ci pourrait alors avoir recours au mécanisme de contrôle de la conformité du droit polonais avec le droit de l'UE ( en ce qui concerne le Tribunal Constitutionnel uniquement). Tout cela est bien sûr au conditionnel car le conflit entre la Hongrie et l'Europe a déjà montré le peu d'empressement de l'Union à sanctionner l'un de ces membres.

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  • Le 7 janvier de cette année, le Président polonais a signé la nouvelle loi Radio-TV. La veille, une rencontre entre le président du PIS et le premier ministre hongrois venait d’avoir lieu dans une petite ville du sud de la Pologne. Existe-t-il un lien entre ces deux événements ? On peut raisonnablement le supposer. Car même s’il est plus que probable que le Président - que la majorité des ses compatriotes voit comme une marionnette de Jaroslaw Kaczynski - aurait de toute façon un jour ou l’autre signé cette loi, comme il a paraphé celle sur le Tribunal Constitutionnel et bien d’autres du même acabit, on imagine que les encouragements de Victor Orban que J.Kaczynski ne s’est certainement pas privé de transmettre à son poulain lui ont donné le coup de pouce décisif.

    Qui mieux que le premier ministre hongrois peut affirmer haut et fort que l’Europe a beau mettre en garde, protester et évoquer d’éventuelles sanctions, elle rechigne à agir. L’Europe aboie mais ne mord pas. Deux années se sont écoulées depuis que Victor Orban a mis au pas les médias publics de son pays et qu’est-ce qui s’est passé ensuite? Rien ou presque. La Hongrie fait toujours partie de l’Union européenne et elle a gardé son droit de vote. Alors, pourquoi se gêner?

       L’Europe aboie mais ne mord pas

     Pure coïncidence ou pas, la dernière intervention du président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker semble donner raison à Victor Orban. Il s’est efforcé, le lendemain de la rencontre PIS-Fedesz de déasamorcer les tensions ("Il ne faut pas surdramatiser») et il a affirmé que l'UE ne veut pas "taper" sur la Pologne et que son approche est «très constructive».

     

     Pourtant, tout au long du mois de décembre, différents politiciens européens ont exprimé leur indignation et leur volonté de s’opposer au démantélement de la démocratie en Pologne. Jean Asselborn, Ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, a déclaré, par exemple: «On a l’impression d’un retour à l’ époque soviétique. (....) Cette attaque de l’indépendance des institutions judiciaires, des médias, les méthodes utilisées, c’est une violation des principes de base de l’Union Européenne.» Le politicien luxembourgeois n’excluait pas alors qu’on en arrive à priver la Pologne du droit de vote au sein de l’Union.

    Frans Timmermans, vice-président de la Commission Européenne, a demandé aux ministres des Affaires étrangères et de la Justice de geler la nouvelle loi sur le Tribunal Constitutionnel tant que tous les doutes concernant son influence sur l’indépendance et le fonctionnement du Tribunal ne seront pas levés.

    Martin Schultz, président du Parlement Européen avait même déclaré que «les événements en Pologne ont les caractéristiques d’un coup d’Etat. C’est dramatique».

    Des propos très fermes mais curieusement absents du discours actuel de l'UE. Changement d’année, changement de ton. En ce début de 2016, plus d’injonctions au respect des valeurs démocratiques fondamentales, plus question de sanctions. Est-ce la peur soudaine d’une scission au sein de l’Europe? Il est vrai que Victor Orban a déjà annoncé à la radio hongroise qu’il s’opposerait à toute sanction contre Pologne. Et il est plus que probable que le Groupe de Visegrad ferait de même.

    Il est également possible que Jean-Claude Juncker, surpris par les réactions du gouvernement polonais qui prend toute remarque de la part de l’Union Européenne pour une ingérence inadmissible dans les affaires polonaises, ait voulu changer de stratégie et procéder d’une manière moins frontale et plus feutrée. Mais lorsque l’on observe l’arrogance du gouvernement formé par PIS, son absence totale du respect de l’autre et sa volonté de tout écraser sur son passage, on doute fortement du succès d’une telle tactique. Il est évident que la première ministre Beata Szydlo et ses collègues sont totalement imperméables aux charmes discrets de la subtilité. Ils ne comprennent que la loi de la force. Si l’Europe n’en tient pas compte, la Pologne a un sombre avenir devant elle.

     

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    Quand PIS et Fidesz se concertent

    La rencontre entre Jaroslaw Kaczynski et Victor Orban a bien eu lieu hier, dans un petit village au sud de Varsovie qui - et cela ne manque pas de piquant - faisait partie autrefois du Royaume de la Hongrie. Une façon symbolique de resserrer les liens entre les deux partis, probablement...

    Le lieu, la date et l’heure de cette réunion ont été tenus secrets aussi longtemps que possible. Même les membres du PIS n’ont pas été informés. Et sans le site hongrois VS.hu rien n’en aurait transpiré. Aucun communiqué officiel n’a d’ailleurs été publié à l’issue de la rencontre.

    Parmi les sujets évoqués, selon VS.hu, il y avait la question de la Grande Bretagne qui s’apprête à couper les subventions aux immigrés venant de l’Union Européenne (une mesure qui ne touchera pas les citoyens britanniques). Mais aussi, bien entendu, la réforme du Tribunal Constitutionnel, celle des médias et la question des migrants.

    Selon un membre du PIS, qui tient à garder l’anonymat, la Pologne a encore beaucoup à apprendre de la Hongrie. Et le gouvernement compte sur le soutien des eurodéputés hongrois lors de la prochaine séance du Parlement Européen pendant laquelle la Pologne sera à l’ordre du jour.

    En évoquant cette rencontre, le quotidien anglais «Financial Times" a tenu à rappeler que «les partis des deux leaders partagent la même attitude eurosceptique, patriote, conservatrice, pro-catholique et anti-migratoire. Les deux croient que lors de la chute du communisme, il y a un quart de siècle, toutes ses structures n’ont pas été extirpées ce qui exige des actions radicales destinées à «réparer» les deux pays».

    Détail non négligeable, la réunion de Niedzica a duré six bonnes heures. Ce temps était sans doute nécessaire pour mettre au point une tactique commune face à l’Europe.

     

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